Ressources pour enseignants

Accueillir un enfant « Dys » en éducation musicale

Partages entre enseignants

Témoignage d’un enseignant de l’académie de Versailles

lundi 15 juin 2015 , par Arnaud Barre

Dyslexique, Dysphasique, Dyspraxique, Dysothographique, Disgraphique etc.

Au regard de la richesse que l’éducation musicale peut apporter dans les apprentissages, les pratiques, les échanges et partages entre camarades, l’accueil de ces élèves dits « à besoins éducatifs particuliers » est un enjeu pour notre discipline. De part la prédominance des activités orales, elle représente un lieu favorable aux situations de réussite pour ces jeunes qui rencontrent d’importantes difficultés dans leur scolarité. Il ne faut cependant pas oublier de prendre en compte leurs besoins éducatifs particuliers. Le but de cet article est de vous donner quelques pistes pour une meilleure inclusion des « Dys ».

Constats :

Ces élèves portent un handicap non visible qui a des conséquences sur leurs apprentissages et leur scolarité. Il est important de noter qu’ils n’ont pas de déficience intellectuelle, qu’ils sont conscients de leurs difficultés et souvent en souffrent (en particulier quand leurs difficultés ne sont pas prises en compte).

On rencontre souvent :

  • la dysphasie : trouble du langage oral ;
  • la dyscalculie : trouble du nombre et du calcul ;
  • la dyslexie, la dysorthographie : trouble du langage écrit ;
  • la dyspraxie : trouble de la coordination des gestes moteurs (dysgraphie, dyspraxie visuospatiale...).

Certaines tâches sont coûteuses en terme d’énergie cognitive et un élève peut décrocher rapidement car on lui en demande trop.
Par exemple donner un texte à lire à un dyslexique, ou à recopier à un dyspraxique... l’enfant épuisé renonce, s’amuse, fait le pitre devant ses camarades. Chacun a sa stratégie pour s’échapper, se protéger face à une situation qui lui paraît insurmontable. Un adulte qui ne connaît pas le trouble dira que c’est un fainéant, un cancre, etc.

Beaucoup d’élèves que je rencontre dans mon établissement sont marqués par ces expériences, et une de mes premières missions est de leur donner une image positive d’eux mêmes, de les valoriser. Il est aussi important de noter que la double tâche pose problème pour ces élèves.

Par exemple : si écrire nécessite toute l’attention de l’enfant alors il lui est impossible d’écouter la consigne qui lui est donnée simultanément à l’oral. (Ce genre de situation est fréquente en classe, et plus particulièrement en fin d’heure quand il faut noter le travail...)

Adapter son enseignement :

Il n’existe pas deux dys identiques. On peut avoir un élève dyspraxique pour qui le chant pose de grandes difficultés de réalisation, et un autre où la dyspraxie se révélera ailleurs (écriture, jeu instrumental etc.)
Il ne faut donc pas partir avec des préjugés (j’ai déjà vu des dyspraxiques très fort sur des activités rythmiques, et des dysphasiques excellents chanteurs).

Pour adapter, l’enseignant s’appuie sur :

  • Sur la communication avec l’élève ;
    On associe l’élève à l’élaboration et la mise en place de l’adaptation. On l’interroge sur son efficacité. On teste, on expérimente, le tout c’est d’être patient et indulgent avec soi même ;
  • Sur ses compétences disciplinaires et ses observations (Nous sommes les seuls à voir nos élèves en situation d’apprentissage dans nos disciplines) ;
  • le travail en équipe, c’est comme ça que peuvent naître des idées :
    • des lectures, connaissances théoriques sur le sujet ;
    • l’enseignant référent (PPS…) ;
    • l’équipe éducative, équipe pédagogique, médecin scolaire (PAP)
    • l’équipe des PRH (Professeurs ressources handicap dont je fais partie).

Lorsque une ULIS est présente dans un établissement scolaire, très souvent les enfants sont inclus pendant le cours d’éducation musicale. En effet, notre discipline est propice à l’accueil de ces élèves et permet très souvent de créer des situations de réussite, de partage entre pairs et de participation à la vie sociale de l’établissement par le truchement de projets, concerts etc...(loi 2005).

Voici quelques clés d’adaptation générales, qui peuvent être utiles :

  • Ne pas surcharger d’informations les documents donnés ;
  • Utiliser la couleur pour se repérer sur les documents : signaler les informations importantes (utilisation du fluo, surligneur ...) ;
  • Pour certains enfants un tableau à double entrée est impossible à lire ;
  • Accepter de se passer de l’écrit pour certains enfants ;
  • Utiliser des logiciels qui permettent de lire les consignes ;
  • Ne pas faire lire à voix haute un élève dys ;
  • Créer des documents orphelins : très souvent dans les manuels scolaires, on trouve des textes, des encadrés, des tableaux, des images… sur la même page. Un document orphelin est une page où est donné qu’un seul élément : Un texte ou une iconographie…

Pour un document imprimé :

  • Police d’écriture : choisir une police sans « Empâtements » ou « Sérifs », type arial ou comics, taille 14, double espace entre chaque mots, interligne 1,5 ou 2, et si besoin alterner les couleurs de chaque lignes ;
  • Mise en page du document : ne justifiez pas vos documents, il est préférable d’aligner à gauche - évitez les colonnes ;
  • Si l’enfant utilise un ordinateur, on peut éditer des documents en mode formulaire ;
  • Éviter les phrases longues à l’écrit ;
  • Il est parfois nécessaire de reformuler ;
  • Ne pas pénaliser l’orthographe ;
  • Varier ses supports : cartes heuristiques, enregistrements audio, utilisation de pictogrammes ;
  • Il existe un greffon pour open office appelé lirecouleur qui permet de réaliser des documents textes séparant les syllabes par couleurs pour une aide à la lecture. Il est muni d’autres options comme l’accentuation des espaces entre les mots etc.

À retenir :

On peut (doit) être exigent avec ces élèves, notamment en chant sur la justesse, la mémorisation, l’interprétation. Personnellement je passe beaucoup par l’oral, si bien que les enfants connaissent par cœur leurs chants quand je leur remets le document.

On peut utiliser le mime, des postures, des déplacements dans l’espace pour aider à l’apprentissage et à mémorisation d’une chanson.

Pour l’acquisition du vocabulaire, on peut réaliser des imagiers que l’enfant conservera dans ses documents.

L’adaptation représente un investissement particulier de l’enseignant, il faut être conscient qu’il peut être utile à l’ensemble des élèves de la classe.

La mise en place de démarche pédagogiques particulières (pédagogie de projet, pédagogie institutionnelle etc. peut être considéré comme une adaptation.

Il est difficile de donner une liste d’adaptations à appliquer comme une recette de cuisine, tant celles-ci sont dépendantes des situations particulières des élèves et de la manière d’enseigner de chacun d’entre nous. S’intéresser à l’élève, le considérer avec son intelligence et son potentiel, bref diriger son regard vers lui de manière positive, est le premier pas vers l’adaptation.

Arnaud Barre
Professeur d’éducation Musicale
Professeur ressource École Inclusive
Académie de Versailles

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